Le Messager

Sécurité alimentaire au Burkina Faso


NAFASO, une société citoyenne au service du développement rural

 

Le Directeur Général de la Société NAFASO, n'est autre  que Abdoulaye Sawadogo.  Cet entrepreneur agricole  hors pair, c'est résolument engagé depuis plus d'une décennie  à lutter efficacement contre la pauvreté en milieu rural. NAFASO est à tout point de  vue,  une entreprise citoyenne  au service du développement rural. En outre, elle  bénéficie  aujourd'hui d'une renommée  qui  dépasse    les frontières  de   la sous région Ouest africaine  et  internationale. Toujours humble et courtois,  ce quinquagénaire infatigable traduit aisément  les caractéristiques des grands hommes.  Nous sommes allés à sa rencontre pour vous. Lisez plutôt.

 

Présentez vous à nos lecteurs ?

Je m'appelle Abdoulaye Sawadogo, Directeur général de NAFASO et président de l'Union nationale des producteurs semenciers du Burkina.

Pouvez vous nous présentez la société NAFASO ?

La société NAFASO est une société familiale et anonyme. Nous œuvrons dans la production et la commercialisation des semences améliorées au Burkina Faso et dans la sous région.

Quelles sont les missions assignées à NAFASO ?

Nous avons des missions simples. Comme vous le savez, avec l'avènement des changements climatiques, il faut que les paysans s'y adaptent. En s'adaptant aux changements climatiques, il faudrait aussi qu'ils aient du matériel adapté. Et ce matériel n'est autre que les semences améliorées. Il faut dire tout net, que les chercheurs burkinabé ont fait beaucoup d'efforts en créant de nouvelles variétés améliorées qui sont adaptées aux changements climatiques.
Notre mission c'est d'amener ces semences aux paysans et travailler à ce que le petit paysan dans son lieu de production ou encore dans son village puisse connaître ces semences améliorées et aussi pouvoir se les approprier. En notre qualité de société privée qui a une vision du développement rural, notre objectif c'est vraiment faire de telle sorte que ces producteurs là adoptent ses semences qui ont de très bons rendements et qui sont adaptées aux changements climatiques.

Quelles sont les semences améliorées que vous produisez ?

Nous produisons toutes sortes de semences produites au Burkina. Je citerai entre autres, le niébé, le maïs, le sésame, le sorgho, le mil et j'en passe. Je voudrais vous donner un exemple concret de ces semences améliorées. Je prends comme exemple le maïs, actuellement nous avons des variétés améliorées de maïs qui vont de 6 à 10 tonnes l'hectare. Ce sont des hybrides qui sont croisées et produites au Burkina et nous travaillons à ce que le paysan qui ne fait pas de grands champs, mais que le peu d'espace qu'il a, puisse produire suffisamment à même de pouvoir nourrir sa famille et aussi pouvoir en commercialiser. Au niveau du niébé, c'est presque la même chose. Nous avons huit nouvelles variétés de niébé qui sont mises en place. Nos chercheurs ont travaillé à ce que les problèmes qui ont été constatés dans les anciennes variétés ne soient pas aperçus dans ces nouvelles variétés. Je citerai entre autres, les problèmes de moisissures. A dire vrai, ce sont des variétés adaptées aux changements climatiques. Ce sont des variétés de deux mois et comme vous vous en doutez, en pareille circonstance, le producteur est capable de programmer sa production. Vous voyez, si le producteur sème son niébé en juin, en Aout déjà, il peut récolter. Le plus souvent, la période de soudure se situe entre Juillet et Aout, et qu'en ce moment précis, ce paysan a de quoi manger et aussi de quoi pour se faire de l'argent. Vous conviendrez avec moi, qu'en pareille circonstance, le choix est bien clair. Ces nouvelles variétés vont lutter efficacement contre la pauvreté en milieu rural et comme vous le savez, c'est en milieu rural que la pauvreté est ressentie de façon criarde. Le croisement et la production sont réalisés par la recherche. La certification de ces semences améliorées est faite par le service national des semences. C'est le seul service qui est agréé à certifier les semences améliorées produites au Burkina et inscrits au catalogue au niveau du Burkina ou dans la sous région. C'est dans ce cadre là que nous travaillons beaucoup non seulement avec la recherche, mais aussi avec ceux qui certifient ces nouvelles variétés.

Comment se fait la certification ?

La certification est tellement longue. Pour qu'un producteur soit agréé, il faut que ce producteur soit formé dans la production semencière. Et plus, il faut s'inscrire annuellement et faire une déclaration de culture. Et après tout cela, il faut créer sa semence de base qui est vendue par la recherche et que le suivi se fasse par le ministère de l'agriculture pendant tout le déroulement de la production. Après cela, si les techniciens du ministère de l'agriculture attestent que ta semence est bonne, on envoie en ce moment un échantillon de ta production pour analyse dans un laboratoire. Si après analyse, on constate que tes semences sont de bonne qualité, en ce moment on peut certifier que votre semence est bonne et que vous pouvez la commercialiser. Au cas contraire, votre semence ne sera pas certifiée.

Comment se fait la production et la distribution des semences améliorées ?

Au niveau de NAFASO, nous travaillons avec un réseau de producteurs semenciers. C'est vrai, nous disposons des terrains, mais nous ne pouvons pas produire toutes les spéculations produites au Burkina. Chaque producteur semencier est spécialisé dans un domaine bien précis. Nous avons des encadreurs et des inspecteurs semenciers qui suivent ces producteurs semenciers. L'Etat aussi a ses inspecteurs semenciers qui viennent contrôler ce que nous faisons sur le terrain, de la semence jusqu'à la récolte. Nous disposons aussi d'une unité de nettoyage et de conditionnement et disposons de 36 boutiques dans 36 gros villages. Dans le cadre de la distribution, nous travaillons avec un réseau d'agro business man et de commerçants de semences appelé AGRODIA. Ce sont eux qui nous aident dans la commercialisation. A notre niveau, nous disposons de grossistes, de demi-grossistes et de boutiques pour la commercialisation.

Il me semble que vous êtes plus connu dans l'espace sous régional pour ne pas dire international qu'au plan national ?

Nous avons effectivement eu la chance d'être plusieurs fois sollicités sur le plan international pour partager notre expérience par rapport à ce que nous faisons. En rappel, les entreprises semencières sur le plan sous régional et au niveau de la zone CEDEAO ont commencé à s'installer en 2008. Toutes ces entreprises semencières sont toutes jeunes et nous avons cherché à nous connaitre par l'accompagnement d'une ONG appelé (AGRA) Alliance pour la Révolution Verte en Afrique. Cette ONG a travaillé à mettre toutes ces entreprises semencières de la sous région ensemble. Et comme vous le savez, dans tout regroupement, il y a certains qui parviennent à se détacher du lot. Effectivement, nous avons eu la chance de faire partie des élites qui se sont détachés du lot. Cet état de fait nous a permis de décrocher le premier prix des entreprises agricoles africaines en 2012. A partir de là, nous avons commencé à avoir des ouvertures. Aux nombres de ces ouvertures, nous avons pu rencontrer le Président Koffi ANAN, le Président Barrack Obama, en somme, nous avons pu rencontrer beaucoup de chefs d'Etats africains.
De par notre engagement et notre vision prospective de l'agriculture, nous nous sommes dit que l'agriculture africaine connaitrait forcément des difficultés à long terme si on n'y prend garde. C'est dans cette dynamique que nous essayons d'anticiper en ayant un regard futuriste de ce que nous vivons aujourd'hui. Si nous prenons simplement l'exemple du riz importé en Afrique, force est de constater que l'importation du riz en Afrique tourne autour de 1 500 milliards de francs CFA par an. Nous nous sommes dit, que ceux là qui nous envoient leur excédent, auront certainement plus besoin dans 10 à 15 de ces excédents pour nourrir leur population. Par conséquent, l'Afrique doit changer de vision. Pour ce faire, il faudrait que les dirigeants africains s'engagent politiquement à accompagner l'agriculture afin que demain, les Africains puissent se nourrir convenablement.
C'est dans cette vision que nous travaillons. A voir ce qui se passe dans notre pays, nous nous sommes rendus compte que les besoins sont énormes au Burkina et dans la sous région. Si on regarde par exemple le taux d'utilisation des semences améliorées, on tourne autour de 17 % dans la zone CEDEAO, cela veut dire qu'il y a 83 % de paysans qui restent à conquérir. Soit ces producteurs ne connaissent pas l'existence des semences améliorées, soit l'accès aux semences améliorées est difficile. En tous les cas, il y a un problème. Notre objectif, c'est de travailler à amener ces 83 % de producteurs à aller vers l'utilisation des semences améliorées.
Dans le dynamisme de notre travail, nous avons eu la chance d'avoir plusieurs prix internationaux, pour ne pas dire six prix internationaux. Ces prix vont du bronze au diamant. Cela a contribué à nous faire connaitre davantage sur le plan international. Aujourd'hui, nous sommes sollicités partout en Afrique pour partager notre savoir faire dans la production des semences améliorées. A titre d'exemple, depuis l'année surpassée, nous travaillons avec le Nigéria, le Sénégal, la Côte D'Ivoire, le Mali, la Serra Léone, le Libéria et j'en passe.
Notre inquiétude actuellement, c'est que faire pour amener les jeunes à s'intéresser à l'agriculture et à prendre la relève ? Avec la démographie galopante et le vieillissement des paysans dans les villages, si les jeunes ne s'intéressent pas à l'agriculture, nous ne sommes pas sûrs que l'alimentation de demain, soit une mince affaire. Nous avons une approche au Burkina et cette approche est sollicitée par les autres pays. Je prends l'exemple de la Côte d'Ivoire qui nous invite à les aider à développer cette approche qui est de mettre des parcelles de démonstration dans les différents villages afin d'organiser des visites commentées pour permettre aux paysans de découvrir les nouvelles variétés. Nous sommes en train de travailler afin que l'Afrique de demain ou encore les futurs producteurs que sont les jeunes, puissent avoir des approches qui vont leurs faciliter la tâche.

Pour atteindre ces objectifs énoncés, qu'est ce que vous comptez faire pour que ces braves paysans rentrent de plein pied dans la modernisation de l'agriculture ?

Il faut qu'on cesse les débats inutiles, il y a l'agriculture familiale et l'agro bisness que les gens prônent. En réalité, ce sont les mêmes personnes, parce que ceux qui ont l'argent et qui partent payer les terres, ne sont pas capables de les travailler. Nous avons donc intérêt à amener les petits producteurs à devenir de grands producteurs. Moi, j'ai eu le premier prix de l'agriculture familiale en 2007 décerné par le Canada. Cela ne m'a pas empêché d'être entreprise aujourd'hui. C'est le petit producteur qui a eu le premier prix de l'agriculture familiale, qui est devenu un entrepreneur agricole avec une usine de transformation. Mon souhait est qu'on puisse vraiment voir comment on peut aider les petits producteurs à aimer ce qu'ils font, mais aussi trouver des moyens pour les encourager à la modernisation afin qu'ils puissent devenir de grands producteurs. Les jeunes ruraux s'intéressent de plus en plus aux grandes villes. Dans quelques années, moins de 10 % de jeunes resteront dans les villages et les 90 % seront en ville. Il est donc impératif et urgent à la fois, que le politique révise sa copie en mettant des moyens conséquents dans la modernisation de l'agriculture au Burkina Faso.

Les défis et perspectives ?

A NAFASO en 2008, notre production tournait autour de 100 tonnes, actuellement nous sommes à 3600 tonnes. Nous travaillons non seulement en saison pluvieuse, mais nous travaillons beaucoup en période de contre saison. En clair, nous faisons deux campagnes par an. Notre objectif est d'atteindre 10 000 tonnes en 2020. Notre préoccupation actuelle est de continuer dans cette dynamique, afin de montrer à la jeunesse que l'on peut réussir dans l'agriculture comme dans les autres secteurs.
A titre d'exemple, j'étais un ouvrier à la SAP et j'ai été compressé en 1994. Je suis rentré dans l'agriculture, parce que j'aimais l'agriculture et aussi je ne voulais plus travailler pour quelqu'un. Aujourd'hui, j'emploie 40 personnes permanentes et plus de 150 contractuels et comme quelqu'un l'a si bien dit, l'agriculture est le plus grand pourvoyeur d'emplois. Notre objectif général, c'est d'amener les 83 % de producteurs vers l'utilisation des semences améliorées. Si l'on parvenait à amener ne serait que 70 % de producteurs à aller vers les semences améliorés, vous verrez que l'agriculture burkinabé va se développer et effectivement démontrer qu'il faut désormais compter sur les pays pauvres pour nourrir la population.

Un message à l'endroit des petits producteurs ?

J'inviterai les petits producteurs à s'intéresser aux nouvelles variétés de semences améliorées, d'écouter les encadreurs qui viendront vers eux pour leur donner des conseils et de s'adapter aux changements climatiques.

Après ce tour d'horizon, est ce que vous avez quelque chose à ajouter ?

Nous avons chaque mois des visites de producteurs d'autres pays qui viennent voir ce que nous faisons. Ils viennent du Sénégal, du Mali, du Togo, de la Côte D'Ivoire et j'en oublie. Il n'y a pas un mois où nous ne recevons pas de visite pour s'enquérir de ce que nous faisons. Malheureusement au niveau du Burkina, nous n'avons pas une seule personne qui veut s'intéresser à ce que nous faisons. Ils regardent ce que nous gagnons et ne s'intéressent pas à ce que nous faisons, c'est bien dommage. Nous souhaitons seulement que les producteurs aillent à la recherche de l'information. Il n'y a pas de honte à apprendre pour mieux faire.

 

Un entretien réalisé et présenté par Seydou DIABO


 



06/07/2016

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